Au premier jour, il n’y avait rien. Rien d’autre que ce temple à l’abandon qui avait été élevé jadis à la gloire du Très Sévère. Plus de possessions, plus de manoirs, plus de royaume. C’était l’anarchie mais les fidèles du Très Juste n’abandonnent jamais leur vie au chaos et rapidement un semblant de hiérarchie se mit en place, le peuple étant guidé par certains hauts ecclésiastes qui étaient suffisamment reconnu pour leur imposer le calme alors que tout aurait été sujet à panique. Aucune habitation, un lieu inconnu, des dangers omniprésents et une défaite cuisante qui avait contraint le Peuple Élu à l’exode. Il fallait tout mettre en œuvre pour reconstruire un royaume entier, un royaume qui ne tomberait pas sous le joug de l’ennemi comme ce fut le cas pour Ithoria la Sainte.
Déjà les templiers s’étaient rassemblés, se mettant naturellement à disposition du dernier commandeur des armées d’Ithoria et du dernier Grand Templier. Yrreraent retrouva ses derniers compagnons d’arme et son nouveau maître. Il fut affecter au commandement de la cavalerie lourde de l’Ordre, et entrepris dès son arrivée d’en expurger tous les hommes qui n’étaient pas de sang noble. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour aider le peuple de Dieu et bientôt furent reconnu comme le premier Ordre du nouveau royaume, l’Ost d’Eversor, terrible machine de guerre, dévouée la Couronne qui était maintenant sur la tête de Velnarian, le Lion de Blancastel. Déjà les luttes d’influence au sein de la noblesse reprenait et au côté du De Sigyll, Yrreraent put clamer la place qui lui revenait de droit à la cour et cela malgré une entrée légèrement cavalière effectuée par Kaareron qui quitta brusquement le couronnement du Prêtre Roi.
Puis l’Ost d’Eversor était envoyé aux quatre coins du royaume, accomplissant fidèlement les missions qui lui étaient assignées. Ainsi participèrent ils aux assauts contre Dared le Fou et Jolarial IV le sanguinaire, qui avait été ramené d’entre les morts. Yrreraent n’avait eu que peu de chose à faire avec ses hommes, le marécage qui avait été le lieu de la bataille ne permettant pas à sa cavalerie de participer efficacement. Avant la fin de ce combat, ils avaient été renvoyés vers Dalriel pour servir de main d’œuvre et aider à construire les derniers édifices nécessaires à la sécurité de la cité. Une tâche ingrate qu’il n’aurait jamais accomplie si cela n’avait été un ordre direct de son supérieur.
Les missions se suivaient à un rythme effréné. La cavalerie, dont Yrreraent avait la charge, faisait des merveilles sur tous les théâtres d’opération. La quarantaine de Dalriel, le massacre du clan des géants païens, la recherche des trésors des temps anciens toutes les opérations auxquelles participaient l’Ost et Yrreraent étaient un succès sans franc. Et cela avait commencé à rendre le Commandeur de l’Ordre, Kaareron, de plus en plus imbus de sa personne et de plus en plus arrogant. Il commençait à perdre le sens des réalités et cela causa sa perte, alors qu’il décida de critiquer ouvertement certaines décisions du Conclave. Et tel un tragédien, le De Sigyll, s’enfuit dans un ermitage, loin dans les montagnes du sud, sans en dire mot à quiconque. Quelque chose venait d’être brisée à cet instant.
Yrreraent, en ami et disciple fidèle, se lança à la suite du déchu, accompagnés par deux de ses meilleurs cavaliers. Leur route fut longue et périlleuse, tant les régions qu’ils traversaient n’étaient que trop rarement traversées par des troupes en armes. La piste était facile à suivre, les cadavres des créatures peuplant ces contrées, étaient autant d’indication de la route à suivre. Ils le retrouvèrent enfin, gisant au milieu des restes d’un golem. Ils étaient arrivés juste à temps et lui prodiguèrent les premiers soins. Finalement, ce petit voyage aux portes de la mort n’avaient pas été inutile pour l’Ordre et pour Yrreraent, son Maître ayant décidé d’aller faire pénitence au près du Prêtre Roi. Il ne serait plus jamais le Commandeur mais au moins ne perdrait il pas son honneur. Ils ne le savaient pas, mais c’étaient les derniers moments qu’ils passaient avec lui, bientôt il périrait au champ d’honneur.
Peu de temps s’était écoulé depuis la réintégration de l’ancien Commandeur au sein de l’Ost d’Eversor. L’Ordre avait été déployé dans les marches sud est du royaume où d’étranges événements avaient eu lieu. Yrreraent et ses cavaliers patrouillaient sur un large territoire. Subitement, les événements prirent une tournure dramatique. Les éclaireurs avaient révélés l’avancée d’une immense horde de gobelin. Celle-ci se dirigeait vers la cité d’Orshité. Il ne fallut que peu de temps pour que les troupes présentes soient submergées et ne se retrouvent coincés dans les murs de bois, que l’Ost avait fait construire par précaution, de la bourgade pour un siège. La tournure que la situation prenait, déplaisait au plus haut point au descendant d’Ewëlleneth, qui en soldat obéissant ne comprenait pas l’attitude des renforts à l’extérieurs, qui, au lieu de s’organiser et ainsi permettre l’exécution du plan de l’état major de l’Ost d’Eversor, venait s’empaler stupidement sur les myriades vertes. Et il ne fallut que quelques jours pour que leur attitude dénuée de bon sens n’entraîne une catastrophe.
Il n’y eut aucun miracle. Et juste avant que la cité ne fut engloutie entièrement sous une vague verte, les soldats qui restaient coincés dans l’enceinte de la palissade d’Orshité, s’élancèrent dans une charge désespérée pour qu’au moins une partie des civils puissent survivre. Yrreraent, au côté de ses hommes et de Kaareron, qui pour la première fois depuis deux cycles avaient revêtus son armure et ses armes de cavalier, s’élança dans une charge suicidaire. Il fut le seul survivant de cet instant épique, sauvé par l’ordre que Son Maître lui avait confié avant de faire demi tour et de s’élancer à contresens au milieu de l’ennemi, tombant finalement au pied du Frère de Mindurar.
Yrreraent était fou de tristesse et de désespoir. Alors que les troupes qui avaient pu s’extirper de la nasse s’était rendu à Kalaan, l’imprenable, il se mit à errer dans les landes dévastées, évitant par chance les groupes de gobelins qui étaient maintenant maître de la région. Après plusieurs jours où sa conscience avait été écharpée par le flot de la souffrance, il sortit enfin de sa torpeur et entrepris de retourner à Orshité. Là, il fit la découverte d’artefact qui avait été la propriété de son commandeur et découvrit quelle était la nouvelle mission qui lui était confiée.
C’est cette mission posthume qu’il tente d’accomplir maintenant et les premiers pas sur ce nouveau chemin qui s’ouvrait devant lui, le menèrent à l’Epischola, afin d’apprendre le Culte tel qu’il est enseigné aux Ecclésiastes.